Nous sommes partis très vite pour pouvoir être sur place à l'anniversaire des 1 an de l'abandon du projet d'aéroport. Pas le temps de vraiment préparer, si ce n'est avoir quelques points de chute et quelques noms de personnes à rencontrer. Mais ce qui au début constituait un obstacle pour faire un documentaire allait devenir la force du film.
Au montage m'est venu l'idée du noir et blanc. Cela donne un côté intemporel au film : ce pourrait être un document retrouvé de Mai 68 et des communautés autonomes par exemple. Cela permet aussi, alors que c'est un sujet autant national qu'hyper local, d'en faire une zone géographiquement non identifiable. Cette lutte pourrait advenir partout, ce qui est d'ailleurs le cas, de Bure au Mexique, en passant par la forêt belge.
Pense avec le monde, il ressort de ton lieu, Agis en ton lieu, le monde s’y tient. Edouard Glissant
Paroles de la ZAD doit se vivre comme une immersion. C'est un film de cinéma, dans le sens où la salle permet cette communion totale avec des gens que l'on ne connaît pas mais qu'on va accepter d'écouter pendant plusieurs minutes chacun. « La nature n'a pas le même rythme que notre société » dit Nolig dans la forêt. Le cinéma n'a pas non plus le même rythme que le streaming ou la télévision, où l'on peut textoter ou regarder ses newsfeed de Twitter en même temps.
L'idée, c'est aussi cela, de reprendre le contrôle de nos films, comme les zadistes reprennent celui de leurs vies. En reprenant le temps, sans artifice, sans accompagnement (pas de voix off, pas de fil rouge évident), on redonne au spectateur sa place d'auditeur intelligent et curieux.
*Par militantisme (refuser l’individualisme et la personnification des luttes) ou par pragmatisme (pour éviter que la police n’en apprenne trop facilement), la plupart des Zadistes ont souhaité que l’on change leurs noms. Pas tou-te-s. Le film respecte les vœux de chacun-e bien évidemment, sans préciser qui porte son « vrai » nom.